vendredi 10 mai 2013

Joy Sorman et le féminisme à la papa



Boys, boys, boys, de Joy Sorman, bref roman au titre tape-à-l'oeil et lauréat du Prix de Flore 2005, déverse un machisme et une détestation des femmes nauséabonds. L'auteur veut être "féministe autrement". Une façon de dénigrer le féminisme actuel.. et d'en proposer un autre, essentialiste et qui hait les femmes autant que le machisme.



La narratrice, appelons-la Joy, puisqu’elle semble faire corps avec l’auteur, est “née dans les années 1970”. Ses parents et grands-parents ont fait la guerre pour qu’elle vive en paix, ils ont fui la Pologne pour qu’elle naisse dans une démocratie, son père a fait une heure de trajet par jour pour aller à Sciences Po pour qu’elle soit une fille de diplômé de Sciences Po.

“A présent c’est la paix”, les origines juives polonaises sont enterrées avec les grands-parents et l’ascension sociale n’est plus à faire. A présent “ce qui lui importe c’est de régler ses problèmes avec les hommes”. Une façon maladroite de dire qu’elle découvre le féminisme. Qui n’est pas une méthode pour régler ses problèmes personnels avec son père et ses ex, mais une réflexion sur la société qui dénonce un rapport de domination entre deux catégories sociales.

Joy découvre la cause des femmes une fois tous les autres problèmes réglés. Plus de guerre, plus de totalitarisme communiste, plus d’antisémitisme et plus de pauvreté. Tout va bien, il ne manque plus que l’égalité des sexes comme la jolie cerise sur le gâteau.

Elle glisse du conflit avec ses parents à un conflit général et politisé, celui mené par un genre contre l’autre. Il faut choisir son camp, “ta mère ou ton père? Il n’y a que deux possibilités : fille ou garçon. Deux aires de jeux, deux territoires, l’un plutôt dominé, l’autre plutôt oppresseur”.

L’adolescence de Joy est marquée par les groupes de copines, dont elle parle avec un mépris non dissimulé : “Des vraies filles, comme celles qu’on voit dans le RER”, tout en déballant les stéréotypes sur la féminité vue comme un calvaire, nécessairement, “L’idée de la pénétration, c’était une terreur”. “Elle n’avait pas d’autre choix que d’être du côté des filles, à l’époque, par peur, par ignorance”.

A la fin de l’adolescence, elle rejette les filles : “elle s’en est servie comme de poubelles”. “Elle les a jetées”. Les filles étaient une protection contre la virilité qui “porte en elle injure et violences”. Les groupes de filles sont l’uterus, qu’il convient de quitter pour commencer à vivre, à savoir rejoindre les garçons. Pas la mixité, les garçons. Les fréquenter exclusivement et en devenir un.

Joy Sorman a-t-elle oublié les humiliations, la rivalité cruelle et les rapports de domination qu’il existe entre filles? Etre une adolescente au milieu d’adolescentes, c’est être observée, comparée à la fille la plus jolie et populaire, voir sa féminité scrutée et détaillée. Joy Sorman tente de faire croire en une “solidarité féminine” qui disparaît même parmi les amitiés les plus fortes, dès lors qu’un garçon est en jeu. Les groupes de filles sont en fait souvent un lieu de compétition et de course à la soumission au modèle féminin imposé.

Les groupes de filles sont un “gynécée stérile”, une “protection”, “le pays du confort et de l’insouciance” . Quitter le sein maternel des groupes de filles, devenir adulte implique devenir un homme. Joy voit deux camps irréconciliable, non pas les femmes et les hommes, mais : la féminité et la virilité, et elle choisira le camp de la virilité. En reprenant le vieux schéma essentialiste, elle nous explique que certaines valeurs sont inhérentes à la nature masculine ou féminine. Une femme qui s’affirme et qui parle fort a renié son sexe.

La domination masculine décrite par Joy est la plus diffuse, c’est la domination du discours. Une domination qui passe inaperçue, qui s’installe paisiblement dans les familles et les salles de classe pour perdurer, s’amplifier, se matérialiser. Comment mettre des chiffres ou émettre des lois sur des prises de parole intempestives, une voix tonitruante qui couvre celle de sa voisine, qu’on a de toute façon habituée à se taire, à être attentive et placide plutôt qu’à parler pour ne rien dire. Ce n’est pas un fantasme, des études ont montré que les instituteurs et institutrices accordaient plus d’importance aux intervention des élèves masculins. Une crèche suédoise a relevé, grâce à des caméras, que le personnel accordait beaucoup plus de temps et d’attention aux garçons qu’aux filles (in Nordiques n°21 : Filles intrépides et garçons tendres).

Joy Sorman a pour ambition d’être “féministe autrement”. Et son féminisme déteste les femmes, selon la même logique que le machisme. Si une femme est nécessairement une victime qui se perd en bavardage, que les hommes “prennent”, autant devenir un homme : “Etre généreux, prendre le monde, prendre le monde comme on prend le maquis, comme on prend une fille.”

Au lieu de supprimer le rapport de domination, Joy Sorman propose que les femmes fassent l’effort de devenir dominante. On imagine facilement qu’elles devront mépriser les hommes timides, les gringalets, les homos et les femmes qui n’y arrivent pas.

“Il ne reste plus qu’à faire en sorte que les filles soient des garçons, que les garçons soient un peu des lesbiennes ; brouiller les camps, les croiser, en attendant mieux, en attendant l’annonce de la mort des sexes - tambours et trompettes - et l’avènement de la virilité pour tous.”

“En attendant mieux”.. Pourquoi un tel manque d’ambition? Travaillons-y tout de suite à cet avènement du “mieux” !

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